Une école est prise en otage par des inconnus portant des masques. Ils ne font aucune demande. En l’espace de deux jours, les parents doivent eux-mêmes prendre une décision : libérer leurs enfants par eux-mêmes ou gagner du temps.


Leçon de pragmatisme

Note : 3.5 sur 5.

Adilkhan Yerzhanov lâche enfin les taureaux, après un « Ulbolsyn » décalé et terriblement tordant. En assumant l’humour de son écriture, il donne un autre souffle à ses thrillers, toujours dans la même veine que les précédents, où la modernité fait face à des traditions, parfois obsolètes et vice-versa. Il s’enfonce encore un peu plus loin dans le rural, où Karatas n’a plus de valeur géographique pour ses habitants, ce n’est qu’un autre coin paumé, enneigé et difficile d’accès. Tous ceux qui y viennent se perdent et tous ceux qui y vivent également. Ce sera donc ans le détail et le sens de la composition que le cinéaste kazakh isole ses personnages, dans les grandes plaines, où l’horizon devient la frontière.

Sans davantage d’explication, les premières minutes s’amusent à démonter une tension, où la prise d’otage devient un enjeu pour les adultes concernés. Un groupe masqué et armé traverse calmement l’enceinte d’une école, surplombant chaque conflit interne et en caractérisant chaque individu dans sa solitude. L’ennemi est donc aux commandes du mouvement et les locaux font du surplace. C’est un appel du collectif qui s’annonce compliquer et pourtant rudimentaire. C’est là que vient le secret de la comédie noire du réalisateur, qui l’a déjà pas mal expérimenté à la première édition de Reims Polar. Cette année, il nous revient avec la même armada et déconstruit peu à peu la cohabitation hasardeuse de ces profs, parents, fonctionnaires et anciens combattants. Le lieu, en revanche, n’a rien d’irréfléchi et pointe une défaillance évidente chez ceux qui sont censés cultiver la maturité. Tandis qu’ils enseignent, à coup de proverbes foireux, saignants et dont on apprécie le côté désabusé, les enfants sont pris en otage, entre deux crises d’hystérie des adultes, pour savoir qui semble le plus souffrir du grain de sable dans leur chaussure.

Un compte à rebours est donc lancé et un groupe aussi allumé que celui de « Rio Bravo » se prépare à prendre ses responsabilités, à mener de front cette fameuse problématique, qu’ils ont malheureusement laissé passer devant ou derrière eux dans le premier acte. Quelque part, il s’agit d’un nouveau commentaire sur l’émancipation, alors que le soutien manque cruellement et que l’administration ou le gouvernement ne peuvent arranger les choses. Pas non plus de double regard sur cette école, occupée par des pantins déshumanisés et muets. On préfère prendre le pouls du groupe et l’harmonie qui y règne. Malgré leurs efforts pour s’aligner, quelqu’un finit par sortir du rang et à laisser ses vieilles pulsions prendre le dessus. Le moment du sauvetage s’approche alors rapidement, avec une incertitude croissante quant au plan mis en place par un professeur, qui prend le temps de rappeler la fatalité du pragmatisme. Yerzhanov s’appuie ainsi sur un équilibre entre proies et prédateurs, où ce seront les moutons qui chercheront à atteindre les loups, directement dans leur tanière.

Sans souffrir de la comparaison avec une œuvre phare de John Carpenter, « Assault » justifie sa démarche, avec beaucoup de zèle et cynisme et de fantaisie. Le cinéaste en appelle à toutes ses ressources pour monter son opération et le théâtrale joue dans les préparatifs et les simulations que mènent les protagonistes, qui révèlent peu à peu des atouts cachés. Leur mise en place reste sur l’autel de l’absurde, mais le récit avance avec fluidité, là où le bataillon ne cesse de tourner en rond. Et si tout cela devrait pouvoir garantir l’avenir des enfants, rien ne garantit que cette même génération ne marcherait pas dans les mêmes travers. La seule possibilité semble être la fuite, mais en échange de quelques compromis, le plus souvent définitifs.


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Une réponse à « Assault »

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