Chine, 1997. Une série de meurtres endeuille la ville de Fentun. Les crimes s’arrêtent mystérieusement sans que les autorités aient pu élucider l’affaire. Huit ans plus tard, un jeune policier, proche d’une des victimes, décide de rouvrir l’enquête.


À corps perdu

Note : 3 sur 5.

Après avoir débuté sur la photographie de « North by Northeast », Zhāng Jì sait où il va. Nous pourrions partir du même postulat, mais son film noir prend une direction plus mélodramatique. Il adapte ainsi une nouvelle de Shuang Xuetao, où la misère accompagnent lentement ou brutalement de nombreuses familles du nord-est, où les usines dégraissent en salarié et où la criminalité reste invisible. Tout cela n’est pas pour déplaire, mais ça atteint rapidement les limites de son récit, qui aura quasiment dévoilé toutes les coutures à l’heure du film. Ce qui n’empêche pas les protagonistes d’exister, car c’est finalement sur eux que repose toute une intrigue balisée.

En évitant les flashbacks récurrents de la nouvelle, le cinéaste chinois tente une approche linéaire, sur deux temporalités. La première est un désir naissant, non seulement d’un amour impossible entre Zhuang Shu (Liú Hào-Rán) et la jeune Li Fei (Zhōu Dōng-Yǔ), mais également d’une fuite. Ces deux âmes la convoitent avec assez de hargne pour oser la fugue ou s’enfoncer dans la délinquance. C’est une sur un bûcher dans un champ que l’on ouvre le film, comme s’il s’agissait d’un appel ou d’une alerte. Est-il symbole de destruction ou un phare dans la brume ? Nous avançons dans le récit avec cette interrogation à l’esprit, tandis que l’on dépeint les quartiers insalubres et la situation précaire des habitants, qui sont dans l’obligation de tricher pour ne pas se ruiner.

Fentun possède ainsi une aura particulière en cette période hivernale, où le plus gros du bétail est immobilisé. Il reste toutefois de l’espoir, en regardant deux adolescents se promener entre deux épaves, où chacun tient la promesse de l’autre, une promesse commune et pourtant brisée par un coup du sort décisif vers un deuxième acte plus boiteux. En l’espace de quelques années, les rôles s’inversent. Zhuang replonge dans une enquête, comme s’il revenait sur les traces de ses regrets. L’ellipse sonne comme un épisode manqué qu’il convient de combler par cette recherche de réponses. Les cadavres ont sans doute fini de pleuvoir sur la cité, mais le film s’intéresse alors aux fantômes qui continuent de hanter ces lieux.

En considérant la présence de Diao Yinan (Black Coal, Le Lac aux oies sauvages) comme producteur, nous sommes en droit de reconnaître une patine stylisée, que l’on emprunte volontiers, afin de générer toute la tension nécessaire. Zhāng Jì n’a donc plus qu’à aligner les arguments essentiels de son premier film, pour que « Des feux dans la plaine » (Ping yuan shang de huo yan) s’imprime dans la rétine. Ironiquement, ce sera davantage dans un univers glacial que l’on évolue, où le flic et la femme fatale gagneront en indépendance et triompheront peut-être de leur passé respectif, au prix de quelques balles perdues.


Retrouvez également ma critique sur :

Laisser un commentaire

Tendances

Créez un site ou un blog sur WordPress.com